Oasis urbaine de Ouargla

Des jardins familiaux pour sauver l’ancienne palmeraie



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Les élans ponctuels ne suffisent plus pour sauvegarder l’ancienne palmeraie de Ouargla, des initiatives concrètes tentent de la réhabiliter cette oasis urbaine nourricière dont l’écosystème millénaire a fait ses preuves face aux changements climatiques et aux impératifs socioéconomiques depuis la découverte du pétrole en 1958.

Celle-ci résiste à l’invasion du béton, les incendies volontaires, l’arrachage des palmiers, les déchets inertes et rejets toxiques commis en toute impunité. S’ajoute la salinité des sols induite par la disparition du système de drainage, le morcellement et l’abandon, constate le Pr Azzeddine Idder qui ne compte plus le nombre de publications scientifiques dédiées à la thématique.

A quelques exceptions près, Bala, au cœur de Ouargla, incarne cette vision de cimetière de palmiers noirs étêtés sur les parcelles de façade, des jardins infestés de sel et d’herbes sauvages à perte de vue. «Il m’est arrivé de planter 1000 palmiers et d’en perdre autant à cause du tarissement des puits, j’ai appris depuis à faire avec et continuer d’en planter», confie Mohamed Abdelhamid Zaidi, commerçant à la retraite qui applique une agriculture saharienne périurbaine où le palmier dattier protège le jardin potager. Son parcours a été rendu difficile, dit-il, par le vol de câbles et des pompes immergées «l’eau et l’énergie sont notre moteur, ces voleurs encouragés par l’impunité veulent nous mettre à genoux, nous nous relevons chaque fois».

Son engagement pour la sauvegarde de l’ancienne palmeraie est un combat de longue haleine. «Je n’ai jamais reçu de réponse au courrier adressé au nom des agriculteurs de Bala avec 17 points expliquant pourquoi certains d’entre eux baissent les bras et vendent aux magnats du foncier.» A Ouargla, aucune loi n’empêche de construire en palmeraie ou d’abattre des palmiers pour se faire, aussi, toutes les parcelles situées en façade des grands axes se sont transformées en commerces ou habitations.

Face à la remontée des eaux qui transforme des terres fertiles en marécages, la disparition du couvert végétal est la solution toute trouvée pour survivre dans l’oasis. Zaidi n’en démord pas, «au lieu de réhabiliter le ‘‘khendeg’’, ce réseau de drainage salutaire, les autorités ont détruit le Chott en y rejetant les eaux ménagères et c’est à se demander pourquoi l’université n’y répond pas», alerte-t-il.

Les amis de l’oasis

Avec chaque nouvelle parcelle détruite, c’est un pan du patrimoine qui disparaît. Abdelkader Bouziane, président de l’association des amis du vieux ksar œuvrant pour l’environnement, documente ce constat par des photos et des vidéos avec les agriculteurs.

Pour y faire face, des réunions, des procès-verbaux, des rapports circonstanciés dans les archives, mais rien de concret. «Nous agissons par acquis de conscience, il ne sera pas dit que l’on s’est tu», explique Abdelkader dont l’association est membre du réseau RADDO des associations méditerranéennes pour la réhabilitation des oasis. La solution, préserver le savoir-faire, impliquer les femmes, valoriser les petits métiers.

Une association féminine de culture du safran oasien, une pépinière pédagogique et une banque des semences paysannes sont les alternatives trouvées pour aller de l’avant et dont celle de Hadj Mohamed Benras, retraité de Sonatrach qui tente de maintenir une centaine de palmiers à Ain Ghendra, où il tente d’initier ses petits-enfants à l’agriculture. «Ils m’accompagnent, j’essaie de passer le message, j’espère qu’ils se rappelleront de ces moments passés avec moi et finiront par s’y mettre.»

Hadj Mohamed soutient que la réhabilitation de l’ancienne palmeraie nécessite des fonds conséquents et investit ses économies dans la terre léguée par son père où la situation s’est aggravée par l’obstruction des drains, «nous sommes livrés à nous-mêmes avec de vraies problématiques et aucun accompagnement.

Le forage qui date de 1971 est complètement ensablé et attend depuis 2012 une réhabilitation du programme PIL», dit-il. Benras n’est pas le seul dans ce cas, des études sérieuses prouvent qu’une reprise des jardins familiers a permis d’en sauver quelques-uns ces dernières années. La majorité des exploitants dépassent toutefois les 40 ans, avec un taux de 87 %, et la déperdition du savoir-faire est un des soucis majeurs de l’heure. Bachir Bouqellal en est conscient.

Ce septuagénaire est expert en chasse du sanglier et un des derniers grimpeurs traditionnels professionnels. Il forme deux jeunes grimpeurs et milite ainsi pour le maintien de l’oasis urbaine salvatrice, qui pourrait constituer une alternative sérieuse au chômage des jeunes selon lui, et qui pourront profiter de terrains de proximité au lieu des périmètres plantés dans le désert sans transport ni moyens financiers et qui finissent par se décourager.

Hadj Bachir a adhéré au Plan d’action de la commission de chercheurs instaurée en 2015 par l’association du ksar de Ouargla avec un plaidoyer pour la réglementation de la construction dans la palmeraie proposant de l’aligner celle du secteur sauvegardé.

Une solution refusée par les autorités.
Ancien président de cette association et ex-élu à l’assemblée populaire de la wilaya de Ouargla, le Dr Benmahcene en fait le bilan : «En six ans, quelques interventions sporadiques, ré-ensablement de quelques parcelles, arrachage de vieux palmiers et plantation de nouveaux pour le rajeunissement de la vieillie palmeraie ainsi qu’un système d’irrigation.»

Secteur à sauvegarder

Proposer la limitation de la construction en permettant aux propriétaires de bénéficier du programme de logements ruraux n’a pas abouti. L’administration estime que l’ancienne palmeraie est urbaine et ne peut donc bénéficier d’un programme d’habitat rural, tel que défini par les textes en vigueur. Dr Benmahcene reconnaît aussi l’échec de la sensibilisation. «Les propriétaires refusent de céder quelques mètres pour ouvrir des pistes et renouveler le drainage, c’est un plan d’urgence qui doit intervenir», quand Hassan Boughaba, son successeur salue un pas en avant dans un cadre purement agricole avec la commission technique de suivi des études dont les experts ont pu convenir avec l’administration d’une reprise du programme de nettoyage et d’ouverture des pistes.

L’analyse des perspectives de développement de l’oasis de Ouargla à la lumière des transformations spatiales et dynamiques éco-environnementales effectuées par le Dr Abdelkader Salhi, géographe, fait ressortir que la gestion des rejets des eaux résiduaires et de drainage par la création de trois zones humides, à savoir Chott Ain Beida, Oum Erraneb et Sebkhet Sefioune dans un laps de temps d’un demi-siècle pose la question cruciale des nouveaux exutoires possibles avec le boom démographique, vu que le point de rejet actuel de Sebkha Séfioune est le plus bas, du point de vue topographique.

«Pour un développement harmonieux, complémentaire et durable, nous proposons de maintenir l’oasis de Ouargla et créer des pôles satellitaires autour afin de désengorger le centre urbain, gérer minutieusement les ressources locales, minimiser le rayon de distance entre les localités et créer une nouvelle dynamique territoriale agronomique et sociologique à l’exemple de la commune rurale de N’Goussa ou le critère d’abandon des palmeraies, du travail agricole par les populations, et d’exode vers les administrations ne se présente pas de la même acuité», explique le Dr Salhi.

Il s’agit d’un modèle réussi de la pratique parallèle d’une agriculture préservant un savoir-faire traditionnel acquis et hérité où la femme garde encore son rôle comme acteur principal avec un plan d’urbanisation qui a permis de préserver la palmeraie.

L’alternative à l’émiettement ou le non-partage des exploitations lors des successions patrimoniales serait donc une politique de reconstitution, par le désintéressement des héritiers. «L’État pourrait instaurer une gestion patrimoniale qui impliquerait les associations locales de protection du patrimoine, les responsables locaux et les représentants des différents ministères à la faveur de la préservation des écosystèmes, la production de produits agricoles et lancer de nouvelles stratégies touristiques pour remédier à l’instabilité de l’économie pétrolière.»

L’intervention de l’État

En termes d’égalité et d’équité territoriale, l’Etat doit préserver et maintenir la gestion collective de la ressource en eau qui s’avère être le facteur de cohésion et de complémentarité entre les exploitants, protéger la diversité variétale du palmier dattier pour assurer une production de dattes pendant au moins 6 mois de l’année et éviter toute possibilité de déperdition de variétés par des maladies destructrices telles que le Bayoud, ainsi que le contrôle des constructions par l’éradication des palmiers dattiers en soutenant les actions collectives et communautaires, selon le Dr Salhi. Khaled Amrani, Agronome-doctorant au sein du laboratoire Pacte territoires, Université Grenoble Alpes, voit que la progression du modèle productiviste menace aussi bien l’environnement que le bien-être à terme des populations.

Il estime que l’oasis constitue un instrument efficace de lutte contre le réchauffement climatique et la désertification. Ainsi, réhabiliter l’ancienne palmeraie, c’est également créer des milliers emplois et valoriser la biodiversité en redonnant une valeur aux dattes à faible valeur marchande qui sont une mine de sous-produits pour la filière agroalimentaire, estime ce chercheur.

C’est là un des enjeux majeurs de la wilaya de Ouargla : développer ses potentialités agricoles urbaines en prenant en compte les enjeux sociaux et environnementaux.

 

Ouargla.

Par  Houria Alioua

halioua@elwatan.com


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