L’association «d’El Fenn ouel Adeb» 

Un repère, une mémoire symbolique de la Çanâa algéroise



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 «Le culte du souvenir est la condition de survie d’un peuple » Marcel Proust

C’est l’emblématique grand maître Mohamed Khaznadji, une icône d’éclat de la musique andalouse natif de la Casbah d’Alger le 21 Mai 1929 dont le parcours prodigieux relève de l’historicité des splendeurs de la Çanâa algéroise qui dans plénitude de l’âge avancé de son existence a tenu à accomplir un devoir de mémoire à l’endroit de la pionnière des Associations de musique andalouse dans la capitale « El Bahdja – Alger la blanche- » de l’Algérie indépendante.

Ceci pour une résurrection du souvenir de ce que fût « El Fenn ouel Adeb » des populaires HBM du Ruisseau (Habitations Bons Marchés) qui a vu le jour au cours du mois de Novembre 1962 dans une ambiance d’euphorie de la libération de la patrie de la séculaire et longue nuit coloniale de plus de 132 années de déni d’humanité et de déculturation subis dans la résilience perpétuelle par le peuple algérien.

Par cette chaleureuse et émouvante remémoration qui lui tenait tant à cœur Si Mohamed Khaznadji m’a amicalement invité à son domicile pour partager avec lui la rétrospective d’une genèse mémorielle de cet évènement culturel qui fût un acte précurseur et inaugural pour l’épanouissement de la musique andalouse dans sa féconde et originelle matrice patrimoniale algéroise.

Un ressourcement captivant, développé en la circonstance avec une minutie de la précision par le Professeur Mohamed Khaznadji, qui avec le concours de son infaillible mémoire nous a transposés dans l’élan de mobilisation, d’ardeur et d’initiatives citoyennes de l’époque déployées dans cette Cité populaire des HBM du Ruisseau pour la valorisation et la pérennisation de notre patrimoine culturel à transmettre en legs à la jeunesse et aux générations montantes.

El Fenn ouel Adeb a ainsi été revisité par Si Mohamed Khaznadji dans la douceur du souvenir d’une circonstance inoubliable où le concept de cette Association a surgi dans un local au rez de  chaussée des HBM du Ruisseau qui était le siège d’une Association philharmonique française fermé et cadenassé par ses occupants qui ont précipitamment quitté l’Algérie.

Dès le constat de ce fait deux habitants très connus du quartier en l’occurrence Mustapha Boutriche et Hacène Bentchoubane ont rouvert le local au cours du mois de Novembre 1962 et informé immédiatement leur ami Mohamed Khaznadji qui a visité le lieu, un hangar où seul subsistait un piano en illustration des activités musicales exercées dans son enceinte.

Cet instrument a été le déclic qui a inspiré l’idée porteuse de reconduire la vocation culturelle et musicale de cette infrastructure implantée dans un environnement propice à l’enseignement et à  l’épanouissement du précieux patrimoine de la Nouba au sein de la population et de son importante frange juvénile.

Une perspective complétée et enrichie avec la concertation de certaines notabilités populaires du quartier dont les affinités culturelles et musicales étaient en phase de prédilection du patrimoine de la chanson andalouse.

El Fenn oued Adeb des HBM du Ruisseau dés l’Indépendance de l’Algérie en 1962

L’opportunité d’une rencontre organisée avec ceux-ci à l’intérieur de ce local dans la liesse festive de la symbolique de Novembre de l’Indépendance s’est ainsi convertie en une séance constitutive d’une Association de musique andalouse dont la dénomination El Fenn ouel Adeb a été dans l’instantanéité judicieusement suggérée par le regretté Omar Khodja.

C’est à la satisfaction générale exprimée en une joyeuse réplique par l’ensemble de l’assistance qui a adopté l’éloquente et expressive dénomination « El Fenn ouel Adeb » en proposant avec insistance et à l’unanimité des voix l’élection de l’auteur de l’innovation Omar Khodja en qualité de Président de la première Association de musique andalouse de l’Indépendance qui a vu le jour à Alger au cours de la ferveur du souvenir de l’étincelant Novembre 1962.

Les neufs membres fondateurs d’El Fenn ouel Adeb

Ainsi la première composante organique de l’Association « El Fenn ouel Adab » se traduisit par le « plébiscite» de Omar Khodja en qualité de Président secondé par les premiers membres fondateurs de celle-ci au nombre de 9 notamment : Abderahmane Fodil, Salah M’hamsadji, Mohamed Chettab, Rachid Messouci, Hamid Soufi, Rachid Bentchoubane, Allel Boutriche, et Mohamed Khaznadji.

Aux premières réunions de ces membres de l’exécutif de l’Association la priorité de l’action majeure inscrite au programme était centrée sur la mise en place d’une structure de formation et d’enseignement de la musique andalouse orientée en direction de la jeunesse, ce qui avec une exaltante volonté se concrétisera par la création d’une classe de cours de musique andalouse encadrée par le Professeur Mohamed Khaznadji lequel avec une méthode pédagogique éprouvée a prodigué un enseignement cyclique adapté du pallier d’initiation jusqu’au niveau supérieur de perfection.

C’est avec la persévérante motivation et essentiellement l’affinité culturelle et musicale avec le patrimoine de la musique andalouse que des talents doués pour cet art sont apparus à la grande satisfaction de l’ensemble des membres de l’Association El Fenn ouel Adeb et de ses nombreux sympathisants.

Au ressourcement de l’histoire avec la nouba andalouse

Complété en celà par l’apport stimulant et encourageant de la population issue des HBM du Ruisseau devenue fidèle par sa présence enthousiaste aux concerts de musique organisés périodiquement au siège de l’Association reconvertie ainsi en un lieu de rencontres, de réjouissances, de ressourcement culturel et de musicalité évocatrice d’un passé de grandeur civilisationnelle, immortalisée par la sublimable complainte de « Ya assafi aâla ma mada », une ode poignante d’une pathétique nostalgie au souvenir de la flamboyante épopée de l’histoire aux refrains attendrissants de : « Tilk ediar Malaka ou Ghernata diar El Andalousse » dédiés aux fastes hélas éphémères de jadis vécus dans l’extase des merveilleuses Malaga et Grenade.

Un pan d’histoire également auréolée d’un hymne d’amour viscéral pour l’Algérie au titre vibrant d’émotion et de tendresse « Men ibet iraïi lehbab » « En un somme revoir en songe les êtres chers » du légendaire Mustapha Ben Lakbabti natif de la Casbah d’Alger en 1775, un savant, penseur et exégète de référence encyclopédique Mufti de la grande Mosquée d’Alger et irréductible résistant à horde d’envahissement coloniale française de 1830, déporté à Alexandrie en Egypte en 1843 et mort en exil dans ce lointain pays en 1860 douloureusement amputé de son cher pays et de son peuple.

Le 2ème Prix du Festival de la musique andalouse

Une initiative d’abnégation qui fût couronnée de succès par la participation de Fenn ouel Adeb au premier Festival de la musique andalouse de l’Algérie indépendante au cours de l’année 1967 où elle a notamment décroché le 2ème Prix de la compétition nationale, une distinction honorifique méritoire attribuée pour l’œuvre musicale et d’interprétation du répertoire andalou de l’Association.

A titre de reconnaissance et d’encouragements une visite touristique et d’amitié au Maroc fût organisée par le Ministère de l’information en charge de la Culture à la faveur de la formation musicale d’El Fenn ouel Adeb lauréate du 1er Festival de la musique andalouse inaugural de l’Indépendance.

Dans ce chaleureux contexte de retrouvailles avec le peuple frère marocain qui a partagé avec l’Algérie les douloureuses épreuves de la guerre de libération, des rencontres mémorables d’un accueil inoubliable de fraternité se sont déroulées dans les magnifiques villes de Fès et de Rabat où des concerts de musique animés par El Fenn ouel Adeb ont rassemblé de nombreuses assistances férues de musique andalouse ravies par la qualité des prestations qui ont suscité un engouement admiratif et de vives félicitations de celles-ci à l’égard de leurs hôtes algériens.

Avec cette honorable représentation de l’Algérie, El Fenn ouel Abed s’est perennement inscrite dans le palmarès de la mémoire et du souvenir en jalon précurseur d’un modèle de la première classe d’enseignement de la musique andalouse dans la Capitale à l’aube de l’Indépendance de l’Algérie.

Ceci dans la symbolique, d’un défi relevé dans l’euphorie d’une nation enfin libérée, et avide de se réaffirmer par la réappropriation de son patrimoine culturel et musical, éléments fondamentalement constitutifs et structurants de l’algérianité dans la trame historique de sa personnalité et de son identité.

A la faveur de l’élan de cette initiative féconde d’El Fenn ouel Adeb, une éclosion d’Associations de musique andalouse furent successivement créées à Alger dans l’allégresse collective des lendemains radieux de l’Indépendance.

Un témoignage d’émotion et d’optimisme du Professeur Mohamed Khaznadji

Pour clôturer, ce récit mémoriel d’un témoignage empreint d’émotion et d’optimisme Si Mohamed Khaznadji s’est en la circonstance concentré avec humilité par un survol de son itinéraire qu’il a synthétisé en ces termes :

« Le long parcours qui est le mien dans l’univers de la musique andalouse a constitué un des sens de ma vie par la découverte à un âge précoce de l’immensité d’un patrimoine fabuleux où l’art de cette musique d’apogée rimant avec la lumineuse verve poétique  des noubas ont dans l’harmonie accompagné mon existence »

Et d’ajouter « Celà ouel hamdou li Allah dans la réjouissance de mon grand réconfort de constater quotidiennement la présence d’une relève qui ne cesse de s’affirmer et de s’illustrer dans l’excellence de son talent de virtuosité sur la scène nationale et maghrébine de la musique andalouse ».

« Par ailleurs, je suis dans le ravissement comblé d’avoir enfin pu au soir de ma vie « exhumer » le souvenir marquant d’une œuvre collective citoyenne à l’aurore de l’Indépendance de l’Algérie qui s’est laborieusement concrétisée par la création de cette Association El Fenn ouel Adeb dont la symbolique mémorielle d’historicité doit être épargnée des affres de l’oubli ».

Un témoignage majeur et sourcé d’une documentation médiatique de l’époque, qui nous rappelle que le patrimoine de la musique andalouse constitue un legs ancestral d’une richesse incommensurable très précieuse à perpétuer dans la trajectoire de l’avenir, de la jeunesse, des générations futures et de la postérité.

A ce propos et dans la chronologie de la temporalité, il est nécessaire de souligner que la première Association de musique andalouse fût créée à Alger en 1911 par le célébrissime musicologue-compositeur Edmond Nathan Yafil (1874-1928) et portera le nom d’El Moutribia pour être ensuite dirigée à partir de 1923 par Mahiedine Bachtarzi une sommité d’érudition de la culture algérienne.

Pour revenir à Edmond Nathan Yafil, il y a lieu de préciser que cet immense mélomane du cru est un israélite natif d’Alger en 1874 qui avait une particularité vestimentaire superbe d’apparat dans la tradition algérienne (fez, gilets de fine broderie arabesque, séroual avec un large ceinturon embelli de fils de dorure, « h’zem » babouches) qu’il affectionnait dans un style de raffinement de grande élégance en symbiose avec son personnage d’esthète typé de « maghrébinité » qui fut aussi un disciple du monumental Mohamed Benali Sfindja né et décédé à Alger (1844 – 1901) une référence d’anthologie « Zyriabienne » de la musique andalouse de l’école d’Alger.

La pionnière El Moutribia et les prestigieuses doyennes Djazairia El Mossilia et El Hayet de la période coloniale

Cette doyenne El Moutribia  est donc la pionnière des Associations de la musique andalouse à Alger pendant la période coloniale pour être suivie par El Djazairia El Mossilia en 1930 sous la présidence de Mohamed Bentefahi, complétée par l’Association El Hayet dans les années 40, présidée par Ahmed Lakehal qui fût la première école en 1946 de celui qui deviendra plus tard une notoriété de la Çanâa au nom de Mohamed Khaznadji et dont le siège social d’hébergement se limitait à une pièce au Cercle du Mouloudia Club Algérois, à l’ex rue de Chartres, Amar El Kama actuellement cédée dans le contexte colonial de l’époque à titre de solidarité nationaliste par les dirigeants de cette doyenne et historique formation sportive.

La pionnière  El Fenn ouel Adeb de à l’ère de l’Indépendance

C’est ainsi que 20 ans plus tard El Fenn Ouel Adeb deviendra à son tour la pionnière des Associations de musique à Alger sous l’ère de l’Indépendance de l’Algérie en Novembre 1962 sous la présidence de Omar Khodja.

Un véritable voyage au bout de la mémoire à la faveur duquel si Mohamed Khaznadji s’est dans un long soupir d’affection ainsi exclamé :

«L’Association El Fenn ouel Adeb est toujours ancrée dans mon souvenir à travers son prodigieux parcours en symbole de celle qui a inauguré à Alger la scène de la musique andalouse en école patrimoniale de l’Algérie Indépendante ».

« Ses membres fondateurs hélas tous disparus, les célébrités de cet art à l’image de Abderrahmane Belhocine, mon premier Professeur émérite à l’Association El Hayet toujours omniprésents à tous les concerts, ses élèves, ses sympathisants et son public m’ont fortement marqué par le dévouement exceptionnel qui était le leur ».

« A leur souvenir et en la circonstance, je voudrais affectivement saluer l’ensemble de la composante actuelle d’El Fenn ouel Adeb qui a hérité d’une œuvre d’exemplarité de leurs illustres aînés et les exhorter à redoubler d’efforts afin d’assurer la relève générationnelle du flambeau légué par ceux-ci et ce en une reconnaissance de gratitude avec une pieuse pensée du recueillement à leur mémoire » fin de citation.

Un message très fort d’affection de considération et d’amitié de Si Mohamed Khaznadji, en repère majeur de la musique andalouse à l’adresse de la jeunesse pour l’encourager dans l’accomplissement de la mission qui est maintenant la sienne afin de veiller à la valorisation, à et au rayonnement de ce fabuleux patrimoine ancestral.

Lequel patrimoine constitue un legs et un héritage d’universalité de la musique andalouse savante et modale avec ses noubas, ses proses et ses poésies chantées dans l’harmonie musicale de la durée des 24 heures de la journée en une éblouissante esthétique de raffinement et d’érudition culturelle dont l’influence des partitions musicologiques s’est étendue au delà des rives de la Méditerranée pour s’exercer aussi sur de célèbres compositeurs orientalistes et européens de renommée mondiale à l’instar du français Camille Saint Saëns pour ne citer en exemple que celui-ci bien que ses contemporains occidentaux et même russe aussi célèbres ont également été nombreux à séjourner à Alger dés le début du 19ème siècle en fervents disciples d’écoute et d’inspiration de la musique andalouse.

(*)Lounis Aït  Aoudia
Président de l’Association « les amis de la rampe Louni Arezki » Casbah


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