Des télés et des idées



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Depuis quelque temps, ça bouge au sein de l'ENTV et c'est tant mieux! Alors que le secteur privé s'amenuise sous le coup des fermetures sanctionnant des écarts par rapport à la loi, les chaînes étatiques se renforcent. Mais il arrive aussi que les privées disparaissent toutes seules car le marché publicitaire, qui est leur seule source de financement, n'est pas extensible à souhait. Or, une télé qui se respecte doit faire face à de grosses dépenses pour asseoir une programmation digne d'intérêt. Sinon, c'est du n'importe quoi ; c'est-à-dire un studio casé dans une chambre d'appartement, une régie et des installations primaires et un minimum de programmes maison.
Par contre, le secteur public bénéficie de gros moyens qui lui permettent d'acquérir les équipements les plus modernes. En quelques années, les chaînes se sont multipliées et l'Unique s'est enrichie de plusieurs sœurs spécialisées, le tout sur satellite et en TNT. Parallèlement, la transmission est passée de la SD à la HD et du DVB S au DVB S2 qui est un standard intimement lié aux développements multimédias grâce à sa voix retour par satellite. Depuis l'arrivée de M. Tebboune à la présidence et M. Belhimeur au ministère de la Communication, on note un profond changement de politique dans le secteur audiovisuel. Durant les précédentes années, j'avais personnellement attiré l'attention des anciens responsables de la Télévision nationale sur la nécessité impérieuse d'occuper le champ de l'information télévisée qui est au centre de terribles enjeux. On m'avait répondu que l'État n'a plus à s'occuper d'information et que c'est désormais le rôle des chaînes privées. Ils étaient bien contents de «leurs» chaînes privées lancées sans aucune assise juridique, dans l'unique but de soutenir la campagne de Bouteflika pour le 4e mandat ! J'avais expliqué à ces responsables que les pays d'Europe de l'Ouest, hormis la France (qui rejoindra le peloton plus tard avec France Info) possédaient leurs propres chaînes d'information publiques. L'Allemagne venait en tête avec des programmes nationaux et régionaux. L'Italie, outre les différents journaux télévisés qui peuplent ses chaînes, diffusait Rai News et Rai International. L'Espagne rejoignait le lot avec 24 horas. Mais l'exemple le plus populaire reste la BBC qui offre des bouquets en hertzien et sur satellite où l'information se taille une place de choix !
Ces pouvoirs ont compris l'importance de disposer de moyens de communication publics leur permettant de propager leurs idées au sein des populations et de faire face à toute tentative de désinformation venant de l'étranger. Grâce aux changements intervenus dans la superstructure du pouvoir, l'ENTV a pu sortir de sa léthargie en s'engageant, depuis une année, dans une politique de renforcement et de diversification de ses programmes. La dernière-née de ses chaînes, AL24 News, nous a agréablement surpris par son ton résolument moderne et son large spectre de centres d'intérêt. A ce titre, une mention spéciale sera décernée pour les portraits Media et Culture d'une haute facture consacrés à Naït Mazi, ancien directeur d'El Moudjahid, et Hiahemzizou, bédéiste de renom et inégalable dessinateur d'affiches de films de la belle époque du cinéma national. Mais un regard lucide sur l'ensemble des programmes qui fleurissent ce beau bouquet public laisse un arrière-goût d'inachevé et une impression de... désordre. En fait, l'amalgame date du début de l'expérience satellite lorsque l'Algérie décida de lancer une deuxième chaîne en langue française uniquement sur satellite. Algerian TV, née en 1994, se proposait, d'emblée, de toucher directement notre émigration à l'étranger, et notamment en France où elle reste, et de loin, la plus nombreuse. Mais on ne savait pas si on avait affaire à une chaîne satellite internationale qui regroupe les meilleures programmes du réseau national (en fait, une seule chaîne à l'époque !) ou si c'était une seconde chaîne d'expression francophone. Pour la première proposition, les exemples ne manquent pas : TV 5 pour la France, BBC World pour l'Angleterre, 3 Sat pour l'Allemagne, Suisse alémanique et Autriche, ESC pour l'Egypte, etc.
Depuis son lancement, Algerian TV, puis Canal Algérie, est restée sans identité propre, avec moult émissions en studio, quelques reportages et, le reste du temps, la reprise des programmes de l'Unique. L'apparition de la Trois va rendre le tableau encore plus flou. Chaîne satellite ? Troisième chaîne à caractère culturel ? Canal destiné au Proche-Orient ? Là aussi, le flou continue de régner. Tout récemment, la 3ème chaîne est devenue un programme d'information mais, très vite, la surcharge d'émissions de débats en studio lui a conféré les traits d'une radio bavarde. Avec le lancement de AL24 News, on ne sait plus quel sera le rôle de cette Trois qui va faire doublon avec la dernière-née. Et ce n'est pas le seul doublon : malgré sa nouvelle appellation de «chaîne de la jeunesse», TV 6 est souvent une réplique de la Une. Suffit-il de mettre des animateurs plus jeunes pour mériter du titre de programme jeunesse ? Hormis la 5 (religieuse) et la 4 (tamazight), la 7 (connaissance et savoir) et la 8 (Mémoire), il y a comme un imbroglio qui mérite d'être clarifié. En fait, en suivant de près les programmes de toutes ces chaînes, on remarque des grilles qui traitent pratiquement des mêmes sujets. Exemple : il y a des émissions Santé sur la Une, Canal Algérie, la Trois, la 6 et même la 7 ! Les émissions sportives font du saute-mouton entre les chaînes avec parfois des rediffusions. On peut épiloguer longtemps sur les anomalies mais il serait plus intéressant de proposer un nouveau plan de partage au sein de ce bouquet qui s'inspire des expériences mondiales :
- Chaîne Une : chaîne généraliste à caractère populaire.
- Canal Algérie : chaîne satellite à destination de l'émigration en Occident. Langues : français, anglais. Davantage de programmes impliquant la communauté algérienne, à partir de l'Europe et du Canada.
- La Trois : chaîne satellite à destination de l'émigration dans le monde arabe et en Asie. Caractère culturel à renforcer.
- La Quatre : chaîne en tamazight. Multiplier les bureaux dans les régions berbérophones.
- La Cinq : chaîne religieuse.
- La Six : chaîne sportive avec retransmission en direct des différents championnats nationaux, toutes compétitions confondues.
- La 7 : chaîne éducative et du savoir. S'intéresser davantage à la formation professionnelle avec diffusion privilégiée d'émissions d'apprentissage dans les différents corps de métier.
- La 8 : chaîne histoire. Parler de toute l'histoire. Multiplier les reportages, les fictions historiques et biographiques et réduire les tables rondes !
- AL24 News : rien à ajouter. Reste juste à voir et à écouter ces correspondants éparpillés à travers le monde. Si la Trois change d'identité, AL24 News pourrait bénéficier de l'expérience et de la compétence de ses équipes.
Voilà un plan parmi d'autres. Mais il faut reconnaître que ce bouquet de neuf chaînes montées en quelques mois est un miracle en soi. Il reste à parfaire son organisation interne pour donner plus de cohérence aux programmes et parfaire leur lisibilité. Et satisfaire la demande d'un public de plus en plus exigeant. 
M. F.

P. S. : ce panorama à caractère technique ne saurait occulter l’autre atrophie de la télé publique : son incapacité à muer en service public ouvert à tous les courants qui traversent la société et ne plus se satisfaire de répercuter le seul point de vue du pouvoir.


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