Une bureaucratie remplace une autre !



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L’avant-projet de loi relatif à la promotion de l’investissement prévoit la création d’un comité intersectoriel de l’investissement en remplacement du Conseil national de l’investissement (CNI).

Ce comité est perçu par ces initiateurs comme «un axe essentiel des réformes structurelles» du système monétaire et financier ! Rappelons déjà que la promulgation d’une loi relative à l’investissement est une hérésie économique qui est rare dans le monde et qui a surtout servi dans les trente dernière années, lorsque certains Etats considèrent qu’ils devaient intervenir directement dans l’acte d’investissement.

De nos jours, il y a un consensus international sur le fait que l’intervention des pouvoirs publics dans l’acte d’investissement doit être indirect, c’est-à-dire, qu’elle doit consister à inciter et à orienter l’investissement vers des secteurs que les pouvoirs publics considèrent comme stratégiques, par l’octroi de certains avantages incitatifs comme une fiscalité et parafiscalité alléchantes, des taxes douanières, domaniales attractives, des crédits bonifiés, un foncier industriel et commercial abordables… Si un investisseur n’entend pas s’inscrire dans cette stratégie, il devra réaliser son investissement en prenant tous les risques et sans pouvoir profiter des avantages que les pouvoirs publics octroient aux investissements stratégiques.

Nous sommes, à cet endroit, au cœur des réformes structurelles que nous attendons depuis les trente dernières années. Cela étant dit, il faut se pencher sur la mise en œuvre et l’instrumentation de ces réformes. Il fut un temps où l’instrument financier de cette stratégie était la Banque algérienne de développement (BAD), qui avait le défaut majeur d’être inféodée au système de planification bureaucratique et centralisée à travers un instrument appelé la «décision d’individualisation», ce qui a induit à toujours fausser le calcul économique et financier, privilégiant les considérations d’ordre politique et social (sur-emploi, équilibres régionaux, transport, prix relatifs, formation…) sans jamais en assumer les conséquences sur les équilibres financiers et la viabilité du projet, ce qui se traduira par des déficits cumulés de plus en plus importants pour le Trésor public jusqu’à aujourd’hui.

La réforme structurelle consistait donc à séparer le coût intrinsèque du projet d’investissement et la sujétion publique qui devait être mise à la charge de l’Etat et non l’inscrire à la charge de l’investissement du projet puis à celle de son exploitation. Cette vision n’a jamais été mise en œuvre par aucun gouvernement, faute d’un courage politique absent et une sortie par le haut des anciennes pratiques.

Seul l’emballage a été changé depuis les trente dernières années, passant par la création de nouvelles bureaucraties toutes aussi inefficaces les unes que les autres, ce qui a abouti à la création de l’ANDI puis du CNI qui vont être dissous, sans aucune évaluation de leur activité, à l’occasion de la création d’une nouvelle bureaucratie, baptisée l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) et le Comité interministériel de l’investissement (CII) ! Qui peut nous démontrer la différence entre les anciennes structures et les nouvelles, au-delà de leur dénomination ? Comment vont s’articuler ces structures entre elles et que vont-elles introduire de plus pour booster les investissements nationaux et étrangers ?

A part les vœux pieux contenus dans l’exposé des motifs (simplification, rapidité des traitements, efficacité…), que les anciennes structures étaient censées introduire, il est difficile, voire impossible, de penser que ce nouveau dispositif sera plus efficace que l’antérieur, dans la mesure où, on ne met en œuvre la véritable réforme qui consiste à inscrire l’acte d’investissement dans son cadre naturel qui est le système bancaire.

Il est donc temps, dans le cadre de la réforme du système monétaire et financier, de revenir à l’orthodoxie bancaire en recréant une BAD renouvelée, jouant son rôle classique de mobilisation de l’épargne longue nationale et étrangère, d’octroi de crédit à moyen et long termes et enfin en jouant son rôle de conseil (1) aux entreprises publiques et privées qui recherchent des financement pour leurs projets d’investissements rentables mais surtout en lui interdisant d’interférer dans l’octroi d’avantages souverains (fiscalité, douane, financement par les banques commerciales…) qui seront alloués par l’ex ou la future agence algérienne de promotion de l’investissement. Les organes sociaux de la BAD (assemblées générales, conseil d’administration, direction générale) devront se prononcer sur la rentabilité des projets à financer, en dehors de toutes interférences d’où qu’elles viennent et en toujours privilégiant le professionnalisme dans l’ingénierie financière, comme arme absolue pour la prise de décision.

La Banque algérienne de développement a été marginalisée, comme institution financière et comme concentration de ressources humaines rompues à l’analyse des projets mais surtout pour avoir été un instrument majeur de la planification et du financement, à moyen et long termes du processus de développement.

Pratiquement mise aux oubliettes et son potentiel humain disséminé, la BAD a été «baladée» sous plusieurs tutelles, avant sa défaisance programmée et ses archives dilapidées.

Les pouvoirs publics, ressentant le manque flagrant d’un outil de financement à moyen et long termes, tant pour la mobilisation des ressources financières nationales qu’internationales et en l’absence d’un marché monétaire et financier efficient et d’une Bourse mort-née, ont créé un monstre hybride dénommé Conseil national de l’investissement (CNI) pour tenter de combler ce vide sidéral.

Son statut dévoyé va le conduire à concentrer en son sein des prérogatives législatives et réglementaires de souveraineté (2) qui vont l’amener aux pires dérapages que l’on découvre aujourd’hui. Conduit obligatoire à la prédation d’Etat, le CNI va servir des intérêts occultes en dehors de toutes les législations et privilégier des projets d’investissement plus que douteux, qui, pour la plupart, se retrouvent aujourd’hui près des tribunaux.

Sa dissolution programmée, aujourd’hui et son remplacement par un «Comité interministériel de l’investissement», ne nous protégera pas des dérapages qu’a connus le CNI en éliminant des projets et en privilégiant d’autres, sans autres formes de recours et avec des procédures pour le moins opaques.

Les leçons du passé sont toujours à méditer. M. G.

(1) Notre économie se retrouve actuellement avec des surcapacités dans certain secteur (ciment, briqueterie, impression, plastiques…) faute d’une institution de régulation qui alerte sur la saturation d’un certain nombre de secteurs et filières et qui réoriente les investissements sur d’autres encore vierges ou qui entrainent de fortes importations.

(2) Le CNI se permettait de donner divers avantages à un certain nombre d’investisseurs qui relevaient de la loi ou du règlement (fiscalité, douane, crédits…), créant ainsi des précédents irréparables et piétinant les lois et la réglementation en vigueur.

Par le Dr Mourad Goumiri ,  Professeur associé

 


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