Zizou le “musicien”

Des arènes de foot à la Philharmonie de Paris

Du passement de jambes au souffle du joueur, sa voix intérieure, le bruit des heurts du terrain, le chant des supporters, les sons du choc des corps et des frappes du ballon. Œuvre visuelle et sonore, « Zidane, un portrait du XXIe siècle » a pris fin hier à la Philharmonie de Paris

Coïncidence de calendrier, hasard du ‘’mektoub’’, la voix Zidane le ‘’musicien’’, les sonorités de Zinedine le ‘’philharmonique’’ ont cessé de se faire entendre, dimanche 7 janvier, une vingtaine d’heures après le décès de Mario Zagalo.

Alors qu’aux quatre coins du monde, une pluie d’hommages accompagnait le départ du légendaire coach brésilien, la Philharmonie de Paris (Cité de ma musique, Paris 19e) baissait le rideau sur « Zidane, un portrait du XXIe siècle ». Six mots qui résument le concept d’une exposition singulière qui a mis à l’honneur l’enfant de Malika et de Smaïl sous un nouveau visage et un rôle inédit.

Voulue par la Philharmonie de Paris comme une « œuvre visuelle et sonore », l’exposition a revisité la talentueuse carrière de Zidane sous un angle nouveau. Une fois n’est pas coutume, le public n’a pas été convié à revoir ses passements de jambes, ses dribbles magiques et autres gestes techniques surréalistes.

Du 23 octobre 2023 au 7 janvier 2024, la Philharmonie de Paris a invité footeux, mélomanes et touristes sevrés de culture à entendre — en la dégustant — des ‘’mélodies’’ atypiques jamais jouées dans une salle dédiée aux concerts musicaux.

Une fois n’est pas coutume, il ne s’agissait pas de symphonie, de requiem, d’opéra, de nouba, de maqam, de mouwachah, de musiques sacrées, mais de ‘’mélodies’’ et autres sonorités jouées par Zizou sur fond d’une musique inédite composée par « Mogwaï », un groupe écossais de post-rock : « le souffle de Zidane, sa voix intérieure, le bruit des heurts du terrain, le chant des supporters, les sons du choc des corps et des frappes du ballon », expliquent les organisateurs de cette thématique qui réunit musique et ballon rond.

Le fils de Malika et de Smaïl Zidane a joué le ‘’m’khiless’’ à la Philharmonie de Paris au moment où la planète foot pleurait une icône du sport le plus populaire. Dans ce baisser de rideau, tout se passe comme comme si le talentueux footballeur s’est astreint au silence en guise d’adieu au grand coach qu’il avait privé — voici un quart de siècle — de réaliser son plus beau rêve : glaner une cinquième couronne mondiale dans sa carrière de footballeur et d’entraîneur après les étoiles de 1958, 1962, 1970 et 1994.

Le 12 juillet 1998, « le plus grand entraîneur du monde » aux yeux de son adversaire du jour Aimé Jacquet, voyait son plus beau rêve se transformer en déception dramatique. « Je voulais rentrer chez moi après avoir défilé sur les Champs-Elysées en passant par l´Arc de Triomphe. Mais l´Arc du Triomphe est à vous. », a-t-il répondu, en sportif élégant, au coach français.

Mais « la France a été meilleure, surtout en première mi-temps. Cette première période, j´avais vraiment hâte qu´elle se termine pour pouvoir recadrer mon équipe. Nous avons pris deux buts sur coups de pied arrêtés sur lesquels Zinedine Zidane a eu énormément de réussite, mais la France a su provoquer cette réussite. »

Si Mario Zagalo a été une légende du foot dans un autre monde — une planète foot moins médiatisée —, le fils de l’immigre d’Aguemoun a vu sa carrière mise en scène sous l’effet d’un sport en mode ‘’spectacle’’.

En congé des terrains depuis le 26 mai 2021, date de son ultime match avec le Réal de Madrid, Zidane a renoué avec la scène publique le 5 octobre 2023 en endossant une tenue bariolée de trois couleurs : « l’art, le sport, la légende ». C’est au moyen de cette trilogie que l’exposition a accueilli le public. « À la Philharmonie, nous parlons souvent d’étoiles.

Les plus grands artistes qui viennent s’y produire en sont. Zidane en est une aussi, expliquent, en justifiant cette thématique, Olivier Mantei et Marie-Pauline Martin, respectivement directeur général de la Philharmonie de Paris et directeur du Musée de la musique.

Le premier dirige un établissement qui accueille près de 500 concerts par an : répertoire symphonique, musique baroque ou contemporaine, musiques du monde, jazz, pop, rock, etc. La seconde préside aux destinées d’un musée ayant vocation à ‘’faire vivre la musiques’’. Sa collection est riche de 8 000 instruments et objets d’art, une véritable invitation au voyage dans « l’histoire de la musique occidentale du XVIe siècle à nos jours et les principales cultures musicales de par le monde ».

Énième bonheur d’un géniteur qui suit avec l’actualité de talentueux rejeton avec curiosité, Smaïl Zidane a dû se frotter les mains en apprenant que « Zidane, un portrait du XXIe siècle » a été la partition inaugurale de cette saison musicale à la Philharmonie de Paris, ce ‘’nouveau cœur musical de Paris’’, dixit « Le Routard » et autres guides touristiques.

Smaïl Zidane avait 17 ans lorsque quand il a pris congé de l’Algérie pour aller travailler comme manœuvre à Saint-Denis, là où s’élève aujourd’hui le Stade de France.

« Quand, toute la journée, vous avez porté des parpaings, pelleté du mortier sous la pluie ou le soleil brûlant, que le marteau piqueur tremble encore dans vos os et votre crâne, vous n’allez pas vous entraîner ensuite dans une salle de sport. Le soir, vous dormez. », rappelle le père dans son livre autobiographique, « Sur les chemins de pierres : d’Aguemoun au Stade de France » (éditions Michel Lafon, 2017).

Traités par Zizou avec déférence, Smaïl et la mère de ses enfants (Malika) ont vu leur bambin dans des biens des lieux et théâtres. Mais c’est la première fois qu’il entendent parler de Yazid — son surnom — à pied d’œuvre « au cœur d’un match de football, multidimensionnel et poétique », soulignent à grand trait Olivier Mantei et Marie-Pauline Martin.