Une grande surprise s’est emparée, avant-hier, de l’opinion internationale lorsque la Maison-Blanche a révélé que le président américain, Donald Trump, s’était entretenu lundi dernier au téléphone avec le maréchal Haftar et lui a exprimé «sa reconnaissance pour les actions de l’Armée nationale libyenne dans la lutte contre le terrorisme et la protection des ressources pétrolières de la Libye».
Cette annonce a été qualifiée de «communiqué de soutien à Haftar» par le Wall Street Journal. Elle révèle un revirement après l’appel à Haftar de se retirer de Tripoli, lancé le 5 avril par le représentant américain au Conseil de sécurité.
Nouveaux équilibres
Les Etats-Unis se sont ralliés jeudi dernier à la Russie au Conseil de sécurité pour bloquer le projet de résolution britannique, condamnant l’attaque du maréchal Haftar sur Tripoli. Lequel ralliement enterrerait à jamais les espoirs britanniques de voir ressusciter cette résolution, rejetée sous quatre formules différentes, depuis le 6 avril.
Il n’y a désormais aucune chance pour que le Conseil de sécurité lance un quelconque appel à Haftar pour se retirer des positions déjà acquises à Tripoli ou ailleurs.
L’explication à ce revirement américain a été révélée le lendemain par la Maison-Blanche, favorable à celui qui assure la lutte contre le terrorisme et protège les ressources pétrolières.
Le président Trump et le conseiller Bolton ont discuté de ces enjeux avec Haftar, une semaine après que le président égyptien Al Sissi leur ait arraché une affirmation sur «le danger des Frères musulmans en Libye». Haftar a promis à Trump une transition stable vers la démocratie en Libye, et cela ne dérange pas le président américain que cette transition soit à l’égyptienne.
Pareil revirement américain isole davantage Londres et Rome, qui continuent à soutenir Al Sarraj, tête de pont des Frères musulmans et des autres formations islamistes défendant Tripoli.
Britanniques et Italiens rencontrent toutefois des difficultés pour éloigner l’accusation d’Al Sarraj d’être soutenu par des terroristes comme Abderrahmane Miladi, cité par la résolution du 7 juin 2018 du Conseil de sécurité comme accusé d’être l’un des leaders de l’organisation de l’immigration clandestine.
Miladi a déjà été condamné par la justice libyenne. Al Sarraj est également soutenu par des milices extrémistes, proches d’Al Qaîda, comme celle de Salah Badi, lui-aussi cité par l’envoyé spécial de l’ONU, Ghassen Salamé.
De tels soutiens, tout comme ceux des Tchadiens au Sud libyen, ont balancé une bonne partie de la communauté internationale contre Fayez Al Sarraj et Misrata, bien qu’Al Sarraj soit, jusqu’à maintenant, le chef du gouvernement reconnu par l’ONU.
Le terrain
Concernant l’avancement de la campagne de Haftar sur le terrain à Tripoli, il y a désormais huit fronts ouverts autour de la capitale libyenne. L’Armée nationale libyenne (ANL) s’est emparée des ponts stratégiques de l’aéroport international et de Oued Rabii, à une quinzaine de kilomètres au sud de Tripoli.
D’intenses combats opposent ces derniers jours l’ANL aux milices sur les fronts de Aïn Zara, Souani, Khellat Ferjane et Janzour, dans la banlieue proche de Tripoli. Un communiqué de l’ANL a annoncé l’arrivée de renforts pour accélérer la prise de Tripoli.
Sur l’autre bord, et confirmant les récits des observateurs, le député Ali Tekbali accuse le Qatar et la Turquie de rapatrier vers Tripoli des éléments terroristes, qui ont choisi l’exil à Istanbul ou Doha pour éviter les poursuites de la justice libyenne et internationale. «Le gouvernement Al Sarraj est essentiellement défendu par les milices terroristes», accuse Tekbali.
Pareils développements font craindre à la population un prolongement indéterminé de la bataille de Tripoli. «Si les uns et les autres reçoivent des renforts, cela annonce une guerre de longue durée», souligne, perplexe, à El Watan, un journaliste requérant l’anonymat.
Il explique qu’au départ, Haftar avait une large sympathie auprès de la population. Mais, avec l’enlisement, personne ne veut la guerre. «Les citoyens cherchent plutôt à vivre en sécurité, comme les Libyens de l’Est et du Sud. Toutefois, ces acquis ne sont pas encore là. D’où ce doute qui commence à s’installer», constate-t-il. Les perspectives de la bataille de Tripoli ne sont pas encore claires.