Par Karim B. – Le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM) a dit ses quatre vérités sur l’islam politique et l’islamophobie en France, avec sa franchise habituelle. Invité à l’émission «L’heure des pros» de CNews, Abdallah Zekri a mis les points sur les «i» seul face à six débatteurs coriaces, dont une députée raciste de l’ex-Front national.
Interrogé sur le nombre élevé de mosquées contrôlées par des salafistes à Paris, le président de l’Observatoire contre l’islamophobie a rétorqué que «tous les ministres de l’Intérieur qui se sont succédé savent très bien que dans la région parisienne il y a quatre-vingt mosquées dirigées par des salafistes». Appelant à éviter les amalgames, il a soutenu que «nous sommes dans un pays de loi» et que «dans la mesure où ces gens-là n’appellent pas au meurtre, ne commettent pas de crimes ni de délits, on ne peut donc pas leur signifier une fermeture de ces lieux de culte». «Personnellement, je ne partage pas leur point de vue et il n’y a aucune ambiguïté là-dessus», a néanmoins précisé Abdallah Zekri. «Je suis tout à fait d’accord que ces salafistes constituent une menace sur la société, mais je dis aussi que tant que quelqu’un n’a pas commis un crime, ce n’est pas un terroriste. Il en est ainsi des fichés S qui sont fichés ne sont pas arrêtés pour autant», a-t-il expliqué.
Pour le délégué général du CFCM, «c’est au gouvernement d’agir». «Je suis favorable à la fermeture de toutes les mosquées qui tiennent un discours antirépublicain, mais tant que ces mosquées respectent les lois de la République, elle ne doivent pas être fermées. Certes, je suis contre le salafisme, contre le radicalisme, contre l’extrémisme, mais nous sommes dans un pays de droit et [je le répète] on ne peut pas accuser quelqu’un tant qu’il n’a pas commis un délit ou tout autre acte puni par la loi», a-t-il insisté, en rappelant avoir «toujours» condamné le salafisme. «Nous avons manifesté quand il y a eu les attentats, nous sommes même allés en Irak pour défendre les journalistes, nous avons défendu la République, mais ce n’est pas mon rôle de fermer une mosquée parce qu’il y a des fidèles derrière et nous n’allons pas les jeter dans la rue comme ça», a-t-il argumenté.
S’adressant à l’élue de l’ex-Front national, épouse de Robert Menard, Abdallah Zekri a estimé que l’extrême-droite, dont elle est la représentante au Parlement, «est le véritable recruteur de Daech», tout en soulignant que «l’islam, comme le catholicisme et le judaïsme, est une religion de paix». «Certes, il y a dans notre religion des énergumènes, il y a des terroristes, il y a eu des actes terroristes qui ont été commis, hélas, par des jeunes Français, nés en France, qui ont été nourris par le salafisme, par l’intégrisme, par des discours de haine antifrançais. Cependant, il y a huit millions de musulmans et ces huit millions de musulmans ne sont pas tous intégristes, ne sont pas tous salafistes, ils respectent les valeurs de la République», a-t-il encore affirmé, en regrettant qu’«à force d’entendre toujours taper sur l’islam», cela ait provoqué une radicalisation et des attentats. «Il faut cesser ces dérapages contre l’islam et cesser de taper à tout bout de champs sur cette religion», a-t-il mis en garde.
Abdallah Zekri a précisé que le rôle de l’institution cultuelle qu’il représente «n’est pas de surveiller ces mosquées et ces imams [salafistes]». «Mais, a-t-il confié, je suis personnellement pour l’expulsion de tous les imams étrangers qui tiennent des discours contre la République». «L’islam radical, je le condamne et je le combat», a-t-il martelé.
Rendant hommage aux quatre officiers tués à la préfecture de paris le 3 octobre dernier, Zekri a assuré que l’assassin «n’a rien à voir avec l’islam». «Pour moi, lorsqu’on commet un crime, on n’est plus musulman, on n’a plus rien à voir avec l’islam. Ceux qui commettent ces actes sont des terroristes et il faut les condamner en tant que tels», a-t-il insisté, en précisant qu’«il est vrai que les intégristes et les salafistes interprètent les versets du Coran à leur manière, mais il faut que nous apportions un contre-discours et c’est ce que nous faisons».
L’invité de CNews n’a pas caché sa «révolte» par rapport à «certains intervenants (dans l’émission, ndlr) qui matraquent l’islam au point de faire de nous autres musulmans des pestiférés». Il a, dans le même sillage, dénoncé l’hypocrisie de «certains hommes politiques français» sur cette question sensible.
K. M.