Hacene Menouar. Président de l’association El Aman

«La crise financière a poussé les Algériens à faire plus attention aux dépenses»



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-Les pouvoirs publics ont communiqué des chiffres sur le gaspillage du pain, cela reflète-t-il la réalité ? Sont-ils crédibles ?

Non. En tant qu’association des consommateurs, on sait que ces chiffres sont loin de refléter la réalité, parce que le nombre est beaucoup plus important que çà et que la source de ces chiffres provient des entreprises de ramassage des ordures. Ce n’est pas très fiable. En plus, on sait très bien et nous-mêmes avons vérifié que ces entreprises (Netcom et Extranet) et celles des communes et wilayas ne prennent pas en charge les déchets des cités universitaires et de la restauration collective. Il faut savoir qu’une grande partie du gaspillage est dans tout ce qui est restauration collective, notamment les cités universitaires, les cantines de l’armée, des hôpitaux, de la police, de la Gendarmerie nationale, des Douanes, de Sonatrach. Enfin là où il y a restauration collective, le pain est servi à gogo et il est jeté à gogo. Comme on a affiché sur notre page Facebook, si réellement, il n’y avait que ça comme gaspillage de pain, on ne sait pas pourquoi on en parle autant, vaudrait mieux parler d’autre chose, parce que si ce sont 4 millions de baguettes jetées en 20 jours, l’équivalent de 7 millions de dinars par jour, le gaspillage dans les autres domaines est plus important, dont l’électricité, l’eau et le temps. La visite d’un ministre dans une wilaya coûte beaucoup plus cher : l’aberration est là en plus, on se demande pourquoi c’est le ministère de l’Intérieur qui communique et non le ministère du Commerce.

-La crise économique et la chute du pouvoir d’achat n’ont-ils pas eu des impacts sur le nombre de baguettes achetées et non consommées et donc gaspillées ?

On a constaté cette année, qu’il y a eu moins de gaspillage du pain. On se demande pourquoi on en a trop parlé, il y a eu même un fil rouge avec les médias, même le ministère de l’Intérieur s’est impliqué dans cette histoire. Il y a cette crise financière qui a touché les foyers, et on commence à faire de plus en plus attention aux dépenses, mais aussi parce qu’il y a eu tellement de sensibilisation, lors des années précédentes, que beaucoup de familles gèrent mieux. Il y a aussi l’intégration du pain maison que les gens préfèrent pendant le Ramadhan, ils n’achètent pas la baguette du boulanger. Les boulangers fabriquent aussi plusieurs types de pains (amélioré, complet…) qu’on ne jette pas.

-La communication insistante du gouvernement ne prépare-t-elle pas une forme de rationalisation ou plus encore, la levée de la subvention de cette denrée alimentaire ?

On a compris que l’Etat veut préparer la société algérienne à la révision de la subvention du pain, il y a beaucoup d’annonces et les médias ont été trop utilisés pour véhiculer cette procédure. Il est évident que la subvention ne pouvait plus continuer de la même manière. D’après certains experts, l’Algérie dépense plus de 15 milliards de dollars par an en subventions pour tous les produits, notamment le pain, l’eau, le logement, l’électricité, les carburants, sachant que cette subvention ne va pas là où il faut. Il y a un calcul qu’on avait fait en 2015, quand on a parlé de la révision de la subvention, on avait besoin de 5 milliards pour les familles nécessiteuses. On se dit que les pouvoirs publics devaient d’abord commencer à faire le recensement correct et établir le seuil pour chaque catégorie, moins de 40 000 DA, que leur faut-il comme subvention, idem entre 40 000 et 60 000 DA, ainsi qu’entre 60 000 et 80 000 DA et avoir le courage de dire que les familles qui ont un revenu de plus de 100 000 DA n’auraient pas besoin de subvention. Il faudrait faire des expertises et des études, il faudrait avoir des comptes bancaires et CCP pour recevoir une subvention calculée pour chaque catégorie. Ce n’est pas normal que tous touchent la même subvention : ceux qui ont un salaire de 600 000 DA et ceux de 20 000 DA ! Le pouvoir est en panne d’idées, alors qu’il faut aller vers un travail de fond que personne ne pourrait contester.

-Votre association lutte depuis des années pour la limitation de la consommation du pain blanc qui est la cause de plusieurs maladies. Y a-t-il une réaction favorable des consommateurs ?

En tant qu’association «Amen», on a exprimé notre position lors de la dernière rencontre avec le président du Conseil national économique, social et environnemental (Cnese), Rédha Tir, en présence des associations et des commerçants. J’ai intervenu pour dire que ce qui me fait le plus mal en tant que consumériste, c’est le pain qu’on mange : il fait plus de mal que le gaspillage, parce que c’est un pain de très mauvaise qualité et qui fait beaucoup de mal à la santé. Le président du Cnes a réagi positivement, en avouant que c’est une vraie problématique, les discussions ont tourné autour de la santé qui est impactée par le pain blanc. On a eu le courage de dire l’origine de la farine blanche qu’on ramène de France, on continue à faire de la subvention, de payer 1,6 milliard de dollars pour acheter une farine tendre de mauvaise qualité, on est en train de subventionner une farine française et ce n’est pas normal.

Le grand gaspillage est là, après la santé publique, on nuit à l’économie, alors qu’on peut utiliser la farine locale et faire notre pain. On aurait au moins subventionné les Algériens. Cette farine blanche est tellement mauvaise, et cela a été même déclaré par la Fédération nationale des boulangers qui disent que c’est une farine qui ne donne pas de la qualité et sont obligés de mettre beaucoup d’améliorants chimiques qui proviennent de pays asiatiques avec beaucoup de doute sur la qualité. En plus, il y a une grande problématique de santé publique en Algérie qui est le sel : on est à 2 kg de sel pour 100 kg de farine, c’est beaucoup par rapport aux normes européennes et qui ne dépassent pas 1 kg pour 100 kg de farine. En plus, nos boulangers ajoutent du sucre, sachant que la farine en contient déjà, contrairement à la composition réglementaire du pain pour qu’il soit croustillant et rouge. Çà se fait avec un sucre caramélisé qui cause des cancers. Les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés par rapport à la qualité du pain, parce qu’on est arrivé à plus de 50 000 nouveaux cas de cancer chaque année, il fait des ravages en Algérie, c’est un problème dont malheureusement les politiques ne parlent pas beaucoup, alors que les experts en santé disent qu’en 2030, on arrivera à 70 000 nouveaux cas de cancer chaque année, c’est énorme, on est à 30 000 décès par an.

Des campagnes menées par les associations dont la nôtre n’ont pas été vaines, beaucoup d’Algériens se rétractent par rapport au pain blanc, ils achètent du pain complet qui coûte plus cher ou bien ils ont réduit carrément la consommation du pain. Malheureusement, c’est un petit nombre, on l’a constaté pendant nos sorties sur le terrain.  Mais les vraies statistiques, on les aura plus tard. Notre association a lancé une enquête publique sur le Net pour évaluer le système alimentaire en Algérie. On reçoit des données pour connaître les tendances de consommation, notamment le pain, les boissons, tout ce qui est sucré et salé et on aura des informations sur la santé et la culture de consommation à partir de septembre/octobre. Ces informations vont être soumisses aux médias, aux ministères et les universités pour que tout le monde puisse travailler sérieusement avec des études fondées pour changer ce système alimentaire. Il faudrait aller vers des changements radicaux, y compris celui des subventions et prévoir des commandes aux agriculteurs.

 

Propos recueillis par  Kamel Benelkadi


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