Mohamed Sadek Messikh, collectionneur d’art et écrivain au Jeune Indépendant

«Le marché de l’art a besoin d’être redynamisé»



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L’exposition intitulée « Trésors de la peinture orientaliste », à la galerie Mohamed Racim, dévoile une remarquable collection d’œuvres fascinantes. Jusqu’au 9 décembre, les visiteurs ont l’opportunité d’explorer des pièces dignes d’un musée, résultat de près de quarante ans de passion et d’acquisitions par le collectionneur d’art algérien Mohamed Sadek Messikh.

Psychologue de formation et écrivain passionné d’histoire et de patrimoine algérien, Sadek Messikh présente une sélection de plus de quatre-vingts tableaux, dont une vingtaine de gravures datant de 1842. Ces œuvres, témoins d’un siècle de peinture, nous transportent à travers le temps avec des pièces telles que « Jeux de fillettes à Laghouat » d’Étienne Dinet, « La dernière bataille de Jugurtha » de L. F. Antoni, « Skikda, la place, la gare et le port » par Josè Ortega, « Le Café maure à Constantine » par Roger Marius Debat, « Campement aux environs de Biskra » de Maurice Bompard, ou encore « Danseuses au clair de lune » d’Eugène Deshayes.

Dans cet entretien, Sadek Messikh partage avec passion son parcours de collectionneur et d’auteur, dévoilant une collection de peinture orientaliste et cinq ouvrages explorant divers aspects de l’histoire et de la mémoire d’Algérie. De l’évaluation du marché de l’art à ses observations sur la vitalité artistique en Algérie, plongeons dans l’univers fascinant de ce passionné d’art et de patrimoine.

Le Jeune Indépendant : Vous présentez les « Trésors de la peinture orientaliste ». Pouvez-vous nous parler de votre collection ?

Mohamed Sadek Messikh : Il s’agit de tableaux que je collectionne depuis près de quarante ans, une véritable richesse artistique qui pourrait rivaliser avec celle d’un musée. Certains ont été acquis en Europe, tandis que d’autres proviennent de mes achats en Algérie. Cette collection était jusqu’à récemment placardée chez moi, mais une opportunité s’est présentée, pour l’exposer à la galerie Mohamed Racim. Pour élargir et enrichir davantage cette exposition, j’ai sollicité la contribution de quelques amis qui ont gracieusement prêté leurs œuvres. L’événement prend la forme d’une exposition-vente, s’adressant particulièrement aux amateurs d’art. Je présente une collection d’environ quatre-vingts tableaux, dont une vingtaine de gravures datant de 1842.

Le tableau le plus ancien remonte à 1840, tandis que le plus récent date de 1950, couvrant ainsi un siècle entier de peinture. C’est une opportunité de mettre en avant la richesse et la diversité de la scène artistique algérienne.

Comment les prix de ces œuvres ont-ils été établis ?

Les prix sont un peu ascendants, c’est-à-dire, le tableau le moins cher est proposé à 100 000 dinars, tandis que le plus onéreux, tel que l’œuvre d’Étienne Dinet ou le tableau du couple de panthères d’Algérie d’Herzing Yvonne, atteint la somme de 8 millions de dinars. Ces prix sont évalués en fonction de la valeur artistique de chaque œuvre. Si l’on se réfère au marché de l’art en Europe, il est intéressant de noter que ces tableaux pourraient facilement valoir quatre fois plus cher, à l’instar de l’œuvre de Dinet qui a dépassé le seuil d’un million et demi d’euros.

Quelle est votre perception du marché de l’art en Algérie, notamment par rapport à ce que vous avez mentionné sur le marché de l’art en Europe ?

Le marché de l’art en Algérie semble être en quelque sorte en pause, voire stagnant. En comparaison avec d’autres pays africains tels que la Tunisie ou le Maroc, où des ventes aux enchères et des experts sont présents, notre marché de l’art paraît moins actif. À ce jour, nous n’avons reçu aucune visite officielle du ministère de la Culture et des Arts ni de la direction des Beaux-Arts, malgré nos invitations.

Le marché de l’art a besoin d’être redynamisé. Organiser des expositions est une excellente initiative pour sensibiliser le public. L’affluence importante démontre l’intérêt des gens, qui s’intéresse à la nature des œuvres. Il est important de souligner que toutes les œuvres exposées sont des originaux authentiques. Il serait bénéfique que les autorités prennent des mesures pour stimuler cette dynamique. En tant que simples citoyens, nous faisons de notre mieux pour contribuer à la promotion de l’art en Algérie.

Certains artistes disent qu’il est impossible de vivre de leur art…

Oui, c’est une réalité regrettable, d’autant plus qu’il existe en Algérie des artistes de grande qualité proposant des œuvres à des prix très abordables, par exemple, vendre un tableau à 20 000 dinars est tout à fait raisonnable. Comme le dit l’adage célèbre, « Achetez les œuvres aux artistes de leur vivant. Quand ils seront morts, ils n’en auront plus besoin de vous. » Les artistes ont besoin de cette reconnaissance pour vivre, étant donné que les matériaux tels que la toile et la peinture coûtent cher, sans oublier le temps considérable qu’ils consacrent à la création de leurs œuvres.

Par le passé, le Grand Prix d’Alger, un salon organisé deux fois par an depuis 1964, offrait une tribune à une centaine d’artistes. Un jury attribuait des prix, permettant ainsi à ces artistes de gagner en visibilité et de décoller dans leur carrière. Il est crucial de soutenir et d’aider ces artistes. Bien que l’Algérie dispose d’écoles de beaux-arts à travers le pays, il est nécessaire de fournir aux artistes émergents les moyens de subsister.

D’où vous vient cette passion pour l’art ?

Cela remonte à l’époque où j’ai fait mes études et travaillé en France, ma formation initiale était en psychologie. Étant à Paris, la ville de l’art par excellence, mon intérêt s’est naturellement porté sur tout ce qui concernait l’Algérie, que ce soit les tableaux, les photos, les cartes postales, les timbres, ou les livres en lien avec l’histoire et l’art de l’Algérie. Il existe un phénomène particulier lorsque l’on se trouve à l’étranger, une certaine nostalgie du pays natal. Tout ce qui touche à notre pays devient sensible et important. C’est ainsi que j’ai commencé à acheter des tableaux, progressivement et en fonction de mes moyens.

En tant que collectionneur, j’ai comme tous les passionnés du monde, parfois vendu des tableaux pour en acquérir de nouveaux, ou cédé des livres et d’autres objets liés à ma passion, notamment des livres anciens sur l’histoire de l’Algérie et de l’art. Au fil du temps, cette passion a évolué, et j’ai pu constituer la collection que je présente aujourd’hui.

En plus de 40 ans, j’ai accumulé de nombreuses connaissances. Lorsque des personnes me questionnent sur l’authenticité des œuvres, je dis que je possède des connaissances équivalentes à celles d’un expert agréé. Malheureusement, cette expertise officielle fait défaut en Algérie. C’est une lacune, notamment pour des tableaux de Baya, dont la moitié sont des faux.

La reproduction facile est devenue coûteuse, et c’est dommage. Si nous disposions d’une structure dédiée à la gestion de ce type de question, de tels excès pourraient être évités. Je tiens à souligner que je m’engage personnellement sur l’originalité et l’authenticité des tableaux exposés dans cette galerie. Je suis même prêt à formaliser cet engagement par un écrit devant notaire, attestant de ma garantie sur une période de 30 ans.

Vous êtes également l’auteur de plusieurs livres. Pourriez-vous nous parler un peu plus en détail de chacun d’entre eux ?

J’ai écrit cinq livres au total. Le premier, intitulé « Alger la mémoire », paru en 1999, explore l’histoire d’Alger. À la demande d’un éditeur tunisien, j’ai ensuite rédigé le deuxième livre, « Tunis la mémoire », dans le même esprit que le précédent. Mon troisième ouvrage se penche sur l’Algérie à travers les premiers photographes, reflétant ma passion en tant que collectionneur de photos anciennes.

En collaboration avec Leyla Belkaïd, j’ai réalisé un livre sur les costumes anciens algériens, où elle a rédigé le texte et fourni les illustrations. Les deux derniers livres que j’ai écrits se concentrent sur l’histoire de Skikda, ma ville d’origine. Intitulés « Skikda la mémoire », ils abordent l’histoire et le développement de la ville depuis sa création jusqu’à nos jours.

 


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