La France et les principales forces politiques de Nouvelle-Calédonie ont signé samedi un accord qualifié d’« historique » visant à refonder le statut institutionnel de l’archipel du Pacifique Sud. Fruit de dix jours de négociations menées en région parisienne, ce texte propose la création d’un nouvel « État de la Nouvelle-Calédonie » au sein de la République française, dotée d’une autonomie élargie et d’une citoyenneté propre.
Ce compromis intervient un an après les violentes émeutes de mai 2024, déclenchées par un projet de réforme du corps électoral local, qui avait ravivé les tensions entre indépendantistes et loyalistes. L’accord signé ce week-end entend refermer cette période d’instabilité et ouvrir une nouvelle séquence institutionnelle.
Selon les termes de l’accord, la Nouvelle-Calédonie deviendra un « État autonome au sein de la République », bénéficiant d’un statut constitutionnel inédit. Ce modèle, encore à préciser juridiquement, s’inspirerait de formes d’autonomie renforcée observées dans d’autres régions du monde, tout en demeurant dans le cadre unitaire français.
Le gouvernement local se verra reconnaître une large autonomie dans les domaines de la justice, de la sécurité intérieure, des relations internationales régionales, de l’économie, de la fiscalité et de l’environnement. L’État français conservera certaines compétences régaliennes, notamment en matière de défense nationale et de politique étrangère globale.
L’accord instaure par ailleurs une « citoyenneté calédonienne » distincte, qui viendra s’ajouter à la citoyenneté française. Elle permettra aux habitants de l’archipel de participer aux institutions locales selon des critères spécifiques, tout en maintenant leur statut de citoyens français à part entière. Ce dispositif vise à concilier reconnaissance des identités locales et maintien du lien républicain.
Au cœur des tensions de 2024, le corps électoral local fera l’objet d’une réforme encadrée. Le nouveau texte prévoit son élargissement aux résidents installés en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans, y compris les personnes venues de métropole. Cette mesure répond à l’une des principales revendications des loyalistes, tout en tentant de rassurer les indépendantistes sur la protection des équilibres démographiques et politiques.
Le processus de décolonisation engagé depuis les accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998) a connu plusieurs étapes majeures, notamment les référendums d’autodétermination de 2018, 2020 et 2021. Tous se sont soldés par un rejet de l’indépendance, mais les résultats, parfois serrés, ont illustré la profondeur des clivages.
En mai 2024, l’annonce d’un projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral a provoqué une flambée de violence. Les affrontements ont fait 14 morts, causé plus d’un milliard d’euros de dégâts matériels et conduit au déploiement de plusieurs milliers de forces de sécurité. L’état d’urgence avait été décrété pendant trois semaines.
L’accord devra désormais être ratifié localement, par voie de référendum consultatif, avant d’être intégré dans la Constitution française. Un calendrier de transition de trois à cinq ans est envisagé pour la mise en œuvre progressive des transferts de compétences.
Le gouvernement français a salué un « compromis responsable et ambitieux ». Côté calédonien, les réactions sont contrastées. Les Loyalistes se félicitent de la reconnaissance de leur attachement à la République, tandis que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale force indépendantiste, juge que le texte « ne ferme pas la porte à l’indépendance à long terme », mais attend des garanties sur l’avenir.
La Nouvelle-Calédonie s’achemine donc vers un modèle hybride : ni totalement indépendante, ni simple collectivité d’outre-mer, mais un territoire à statut spécifique. Ce nouveau cadre pourrait inspirer d’autres réformes institutionnelles dans les territoires ultramarins.
À l’heure où la France cherche à redéfinir sa présence dans le Pacifique et à apaiser les tensions héritées de la colonisation, l’enjeu de la stabilité calédonienne dépasse largement les frontières de l’archipel. L’accord signé le 12 juillet pourrait bien marquer un tournant durable — à condition que les engagements soient tenus de part et d’autre.